Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vive le chômage ! Le blog d'un chômeur
1 août 2012

Épisode 30 - Courageux mais pas téméraires

Le développement des nouvelles technologies a entraîné l’apparition de certaines pratiques peu distinguées. Prenez l’exemple des relations amoureuses. Quoi de plus frustrant et insultant que de recevoir en guise de rupture un cinglant SMS du genre « slt. jte kite. san rancune. a+. ps : fau ke jrécupR mé cd ché twa » ?

Non seulement tu te fais jeter, mais en plus c’est fait de manière relativement douteuse. Oui, mais… Dans son malheur, la personne ainsi quittée doit se dire que son ex a au moins eu la délicatesse de l’en informer. Tous/toutes ne prennent pas cette peine, et espèrent que l’autre en viendra seul(e) à cette conclusion.

Maigre consolation, j’en conviens. Faute de grives, on mange des merles.

Ne pas être averti des mauvaises nouvelles est un grand classique dans le domaine de la recherche d’emploi. Mais au début, le néo-chômeur ne le sait pas ; il arrive dans un univers qu’il ne connaît pas, en souriant comme un niais, persuadé d’avoir mis les pieds dans un monde de Bisounours. Un monde dans lequel il y a des offres intéressantes à pourvoir. Un monde dans lequel les recruteurs traitent les chômeurs avec respect. Un monde dans lequel personne n’égarera sa demande d’allocation chômage. Un monde dans lequel personne ne lui reprochera sa situation. Un monde dans lequel l’hélicoptère qui transportait Daniel Balavoine a déposé tous ses passagers en un seul morceau, puis a fait embarquer les membres du groupe Tryo* et est allé s’exploser la tronche dans la Cordillère des Andes.

Et puis le chômeur réalise assez vite qu’il ne doit pas compter sur les réponses des recruteurs à ses candidatures pour occuper son temps libre.

 

Comme je le disais dans un précédent article sur les relations entre demandeurs d’emploi et recruteurs, il est assez peu fréquent qu'une entreprise réponde personnellement à toutes les personnes ayant envoyé une candidature ; s'il y en a beaucoup, cela peut se concevoir. Mais quand vous obtenez un entretien, que vous vous déplacez, que vous rencontrez le recruteur, bref quand vous atteignez un stade avancé du recrutement, le contact avec l’entreprise est plus concret. Malgré cela, une grande partie des recruteurs se permettent d’ignorer totalement les candidats non retenus.

Alors évidemment, au bout d’un certain laps de temps sans réponse, tu commences à comprendre que ça sent mauvais. C’est pas parce que t’es chômeur que t’es complètement débile**.

À force, j’ai vraiment le sentiment que les recruteurs ne considèrent pas les chômeurs comme des êtres humains à part entière, mais uniquement comme des CV ; que pour eux, un recrutement consiste simplement à recevoir et à lire des CV, à en garder certains et à en jeter d’autres.

Je voudrais éviter de tomber dans le mélodramatique en disant que derrière chaque feuille (ou plutôt, derrière chaque document Word, faut vivre avec son temps) se trouve une personne, un être humain avec ses sentiments, et tout et tout… Encore une fois, ça fait vraiment tarlouze Bisounours. D’ailleurs, j’ai bien conscience que les entreprises ne sont pas là pour faire du social ; il faut avant tout qu’elles trouvent leur intérêt dans un recrutement. Mais elles pourraient au moins faire preuve d’un minimum de respect.

Il faudrait qu’elles réalisent que le chômage, à plus forte raison quand il s’éternise, est une situation très compliquée à vivre : vous vous sentez mal, dévalorisé aussi bien au niveau professionnel qu’humain, rien que de par votre situation. Ce sentiment est amplifié de manière exponentielle par le regard des autres, les jugements et critiques de votre entourage, sans parler des remarques assassines qu’on peut se farcir, en entretien notamment (cela fera en effet l’objet d’un futur article, merci de poser la question). Tout cela fait que l’estime de soi est déjà tellement faible quand on ne trouve pas de travail, on n’a donc pas besoin d’être traité de la sorte… Un chômeur qui se voit ainsi ignorer se dit que, non seulement il ne mérite pas de travailler pour cette entreprise, mais qu’en plus il ne mérite même pas d’obtenir une simple réponse.

Parmi les nombreux exemples malheureusement basiques de vents monstrueux balancés par les entreprises que j’ai démarchées, celui que je m’apprête à vous narrer m’a particulièrement marqué, tout comme celui que vous avez lu dans l’épisode précédent.

 

Après avoir postulé à une offre d’emploi très intéressante, j’obtiens un entretien qui se passe plutôt bien. Comme beaucoup d’autres avant lui, le recruteur m’indique une date butoir à l’issue de laquelle il est censé me donner sa réponse ; et comme beaucoup d’autres avant lui, il ne tiendra pas sa parole.

Dans le cas présent, non seulement je ne suis pas recontacté par le recruteur, mais en plus, lorsque je l’appelle pour obtenir sa réponse, il me sort l’excuse du siècle : « On a recruté une autre personne. Désolé, on a eu un problème technique qui nous a empêché de rappeler tous les candidats. »

Ah bah mince alors, c’est ballot... Il est quand même vachement sélectif, ce « problème technique » : il ne concerne que les candidats non retenus pour le poste. Il est également très chanceux ! Imaginez l’inverse : un problème technique qui n’empêcherait pas de rappeler les candidats non retenus, mais uniquement l’heureux élu qui a décroché la place. Ça aurait vraiment été le comble de la guigne.

Heureusement, le hasard fait parfois bien les choses.

 

« Quand on veut être sûr de son coup, Seigneur Dagonet, on plante des navets. On ne pratique pas le putsch. »

Le roi Loth d’Orcanie (interprété par l’excellentissime François Rollin), Kaamelott, Livre V, Les Repentants, écrit par Alexandre Astier.

Adapté à ce billet, ça donne ce petit conseil gratuit à l’attention de certains recruteurs : quand on n’a même pas les couilles de décrocher son téléphone pour avertir un candidat qu’on n’a pas retenu sa candidature, ou même simplement lui envoyer un e-mail (quel courage…), on plante des navets. On ne fait pas recruteur.

 

Vous imaginez si les autres professions agissaient de la sorte ?

- Bonjour, je suis monsieur Machin. Je vous appelle parce que je vous ai laissé ma voiture en réparation hier, vous deviez l’examiner pour voir ce qui n’allait pas.

- Ah oui exact. On a changé deux-trois trucs puis on s’est rendu compte que le moteur était fichu. On ne pouvait plus rien faire alors on l’a envoyée à la casse. Désolé, on a eu un problème technique, on n’a pas pu vous rappeler. Vous nous devez 467 €.

 

- Bonjour, je suis monsieur Machin. Je vous appelle parce que ma femme a été admise aux soins intensifs hier suite à un accident de voiture, et je n’ai toujours pas de nouvelles.

- Ah oui exact. Elle est morte il y a une dizaine d’heures. Désolé, on a eu un problème technique, on n’a pas pu vous rappeler. Après déduction des frais d’opération pris en charge par la sécu et votre mutuelle, vous nous devez 286€.

 

- Bonjour, je suis monsieur Machin. Je suis un client de votre banque. Je vous appelle parce que, en rentrant chez moi, j’ai trouvé ma maison vidée avec un avis de passage d’un huissier.

- Ah oui exact. Vous nous deviez de l’argent alors on a envoyé un huissier saisir vos biens. Désolé, on a eu un problème technique, on n’a pas pu vous envoyer les courriers de relances ni vous prévenir que l’huissier passerait. D’ailleurs, la saisie de vos biens n’a pas suffi à couvrir intégralement vos dettes, vous nous devez encore 11738€. Je vous invite à recontacter au plus vite notre huissier pour régulariser votre situation, et ne nous faites pas le coup du problème technique qui vous empêche de rappeler, on n’est pas stupides.

 

Dure journée pour monsieur Machin. Allez, on va dire que j’exagère…

 

Générique : Anastacia – Left Outside Alone

 

* Initialement ce devait être Bénabar, mais je l’ai déjà allumé dans un récent article.

** La pratique régulière du sudoku est un très bon moyen d’entretenir l’activité cérébrale, surtout si vous n’avez pas les moyens de vous payer la Nintendo DS et les différents jeux vidéo du professeur Kawamachintruc.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
V
Merci pour ces articles, à la fois désopilants mais très réalistes, on s'y reconnaît beaucoup et on en rit. Je vous souhaite plein de courage dans vos recherches, et ne doute pas un seul instant que vous réussirez. Amicalement.
Répondre
Vive le chômage ! Le blog d'un chômeur
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 97 093
Publicité